Basilique Notre-Dame des Miracles| .3

L’orgue de l’abbaye Saint-Georges

ND des Miracles

Selon les notices de l’indispensable «Orgues en Ille-et-Vilaine» (PUR, 2005), c’est notre seul orgue classé MH à la fois pour son buffet (1962) et pour sa partie instrumentale (1989). Il forme effectivement avec sa tribune aux quatre colonnes de marbre rose un digne pendant des trois grands autels (eux-mêmes structurés à partir de quatre colonnes de marbre rose). Il est hélas gâté par la dureté de la boîte d’expression et l’éclat de la verrière de façade.

L’origine de cet orgue est rappelée par la statue équestre sur la tourelle axiale, un Saint Georges tonique tout à fait dans la manière du milieu du XVIIe siècle (photo ci-dessous). L’instrument fut en effet réalisé en 1653-55 pour l’abbaye Saint-Georges de Rennes par Jacques Lefebvre et Pierre Désenclos et le buffet par Jean Mongendre, d’une dynastie de sculpteurs du Mans. Il fut «bradé» (1250 livres) en juillet 1792, au temps du curé constitutionnel Quéru-Lacoste qui mit lui-même la main à la poche (200 livres), puis installé en tribune par le facteur d’orgues Pierre Tessier.

orgue

Il est facile de constater que le buffet est hybride, car les anges d’origine sont très différents de ceux qui appuient les tourelles. Ceux-ci, qui font penser davantage à des sirènes qu’à des anges, datent sans doute de l’installation à Saint-Sauveur, comme les énormes vases qui coiffent ces tourelles. Quant à la partie instrumentale, elle a évidemment été maintes fois reprise, notamment en 1845 où elle fut refondue par l’atelier Laroque (12300 F) et en 1865 où elle fut complètement refaite par la maison Merklin-Schütze. A l’inauguration de 1866 participa le jeune organiste peu fortuné de Saint-Sauveur, Gabriel Fauré, qui fut licencié quelque temps plus tard pour indiscipline et s’en alla tenter sa chance à Paris, où il s’illustra. Il est à noter que cet orgue ne fut pas le seul enrichissement de l’église dû à la Révolution. Les grilles de l’autel de la Vierge viennent de l’église Saint-Aubin (alors abandonnée) et jusqu’en 1842 deux superbes statues baroques venues du couvent des Dames de la Retraite encadrèrent le maître-autel.

Le Vœu d’après 1720

voeu

Mesurant 4m sur 2,80, ce tableau est le plus grand ex-voto du diocèse et l’un des plus anciens. Mais on se demande bien ce qu’il fait à Notre-Dame des Miracles, vu qu’il est dédié à Notre-Dame de Bonne Nouvelle…

vierge en bois

Il fut commandé par les paroissiens de Saint-Étienne et de Saint-Aubin préservés du terrible incendie qui ravagea huit jours durant le centre de Rennes autour de Noël 1720 et offert à la chapelle des Dominicains de Bonne Nouvelle. Avec la Révolution, il devint la propriété de la Ville de Rennes. Il fut confié à Saint-Sauveur, l’église la plus proche de l’Hôtel de Ville. La paroisse accepta de le restaurer, sous condition qu’il restât à perpétuité à Saint-Sauveur, ce que promit le maire Robinot de Saint Cyr (après 1861)…

tableau original

Le tableau, non daté, est signé d’un peintre assez ordinaire, Leroy, qui a fait quelques tableaux d’églises. Mais c’est seulement l’agrandissement d’un original de Jean-François Huguet (le propre fils de François Huguet architecte de Saint-Sauveur), daté de 1721, œuvre beaucoup plus fine qui se voit aujourd’hui dans la sacristie de la basilique N.-D. de Bonne Nouvelle. Ces deux œuvres ont l’avantage de rappeler un événement qui imposa la reconstruction de la ville de Rennes et de donner quelques détails surprenants, ainsi sur l’ancienne église Saint-Étienne avant qu’on eut construit le clocher de le Forestier.

Le vœu à Notre-Dame de Bonne Nouvelle était en quelque sorte une tradition depuis la peste de 1634, concrétisée par une célèbre maquette en argent de la cité sous la protection de la Vierge. Cette maquette disparue à la Révolution fut refaite en 1861 et se trouve aujourd’hui dans une chapelle annexe de la basilique N.-D. de Bonne Nouvelle. Ne serait-ce pas justice que le tableau de Saint-Sauveur la rejoigne ?

La Vierge médiévale

Cette statue de chêne est la plus ancienne de la Vierge à l’Enfant conservée à Rennes. Elle fut offerte en 1879 par un prêtre qui l’avait acquise d’un antiquaire de Rennes, peu après qu’on eut chargé Goupil de refaire une statue de Notre-Dame des Miracles (1876).

La statue, de facture modeste mais digne, ne semble pas un faux, même si elle a subi des retouches et si sa polychromie est récente. De style gothique, elle conserve la tradition romane des Vierges en Majesté, ce qui invite à la dater de la première moitié du XIIIe s.

Il faut résister à la tentation d’y voir l’antique statue de N.-D. des Miracles : à la vue des  dimensions et du style de l’autel de la Vierge, il est évident que celle-ci avait été remplacée dans la nouvelle église. Parmi les hypothèses sur son origine, on peut penser à Notre Dame des Brûlais. Nous savons en effet qu’il fut reproché au recteur des Brûlais d’avoir, dans les années 1840, vendu la vieille statue de la Vierge, précisément «à un antiquaire de Rennes»…

La statue de N.D. des Miracles et Vertus

Le tableau de la Transfiguration (1824)

Le tableau qui remplaça une Descente de Croix aujourd’hui à Saint-Sulpice de Fougères occupe le fond du chœur depuis janvier 1825. Quoique distant du baldaquin de plus de cinq mètres, on peut dire qu’il fait partie du maître-autel. C’est loin d’être une œuvre banale. Non seulement c’est le premier de ces envois de l’Etat si fréquents dans nos églises au cours du XIXe s. , mais elle a été spécialement prévue pour Saint-Sauveur, et son thème choisi parce que la fête patronale de la paroisse était à la Transfiguration.

transfiguration

En 1822 fut décidée une restauration complète de l’église. Or depuis quelques mois le ministère de l’Intérieur, dont dépendait celui des Cultes, avait été attribué à Corbière, originaire de Corps Nuds. Il fut directement sollicité par le préfet de la Ville-Gonthier pour renouveler le tableau du fond du chœur.

Le préfet fit faire une étude de l’implantation par l’architecte de Lagarde, tenant compte des dimensions, mais aussi des sources de lumière et de la présence du baldaquin. De la Ville- Gontier voulait une copie pure et simple du «chef d’œuvre de Raphaël», y compris la partie inférieure avec l’enfant épileptique, mais la paroisse demandait seulement la Transfiguration et contestait les dimensions données par le préfet. La paroisse l’emporta, et l’on préféra une création à une copie.

On s’adressa à un peintre originaire de Bordeaux, très reconnu à Paris, Jean Bruno Gassies, qui s’était formé à l’ombre du grand David. Quantité de ses œuvres sont dans des musées, surtout à Versailles et au Louvre (il orna du reste la Chambre du Conseil d’Etat au Louvre). Au salon de 1824, le résultat de ses efforts fut salué comme un chef d’œuvre. Il fut expédié à Rennes quelques jours avant Noël comme un magnifique cadeau, mais arrivé trop tard il fut béni par l’évêque seulement le 9 janvier 1825, en présence des officiels. Vers 1840, pour le tableau du maître-autel de Saint-Jacques-de-la-Lande, ont préféra s’inspirer de Gassies plutôt que de Raphaël…

Pour peu qu’on regarde aujourd’hui encore ce tableau défraîchi, on ne peut manquer d’être impressionné par la qualité du drapé du Christ, la subtilité des sources de lumière et l’effet de clair-obscur sous la lune, qui en font une œuvre à la fois néo-classique et romantique.

Père Roger Blot


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