Basilique Notre-Dame des Miracles | .4

Sommaire

Le maître-autel de Depincé (1827-29)

Les quatre statues de Barré (1843-44)

Les tableaux du Sacré-Cœur et de Sainte Anne de Briand et Jourjon (1843-44)

Le solennel tableau de la Transfiguration (1824) inaugura un renouvellement du mobilier du chœur, complété dans les années suivantes : le tabernacle et l’autel (1827-29), puis les statues (1843-44). A la même époque furent refaits les deux autels proches du chœur avec leurs tableaux (1843-44).
Parmi les artisans de ce renouvellement, on trouve les trois «patrons» de l’École de peinture et sculpture de la ville de Rennes, Briand, Jourjon et Barré…

Saint Pierre de Barré
(v. 1843, 2,10 m avec le socle).

Le maître-autel de Depincé (1827-29)

autel

Ce maître-autel de marbre blanc forme avec le tabernacle et les pièces d’orfèvrerie un ensemble d’une belle harmonie, digne du baldaquin de 1768 et du tableau de 1824. Il fut toutefois réalisé en plusieurs étapes, selon un ordre peu habituel. En 1827 on se procura d’abord à Paris la croix et les six chandeliers assortis. Ce sont des bronzes ciselés avec une grande finesse par la maison Choiselat-Gallien qui avait déjà fourni le même mobilier à la cathédrale (1823, un peu plus raide). Puis on refit, en marbre, les gradins et le tabernacle, conçu également comme un soubassement pour la nouvelle croix.

Enfin, un peu plus tard, en 1829, on se décida à refaire la table d’autel, dont on a gardé le marché : «… Moi Depincé je m’oblige de faire et placer en beau marbre d’Italie et bien conditionné, un devant et parement pour le maître-autel de ladite paroisse de Saint-Sauveur…».

maitre autel

Ce François Depincé (ou Pincé), marbrier originaire de Laval, semble avoir laissé son chef d’œuvre à Saint-Sauveur (6000F). Le petit décalage dans le temps explique la différence de marbre entre l’autel et le tabernacle.

Désormais, on observe dans l’axe une riche succession d’évocations du Christ où alternent souffrances et gloire :
l’Agneau immolé (sur l’autel), le Bon Pasteur (très belle porte de tabernacle en cuivre repoussé), le Crucifié au-dessus et le Christ transfiguré en arrière-plan. Peu après apparurent les quatre statues de Barré.

Les quatre statues de Barré (1843-44)

ange

Les travaux précédents parachevaient une restauration décidée en 1822.

En 1842, l’église paraissait déjà défraîchie et l’on demanda au vieil architecte Leroux, qui venait de refaire le presbytère, de reprendre l’église et de l’achever complètement. C’est à cette époque par exemple que fut fini de sculpter l’entablement de la nef, sur le modèle du chœur et du transept. On chercha aussi à parfaire le chœur. Il fut décidé de restituer aux sœurs de la Retraite les deux statues de Sainte Anne et Saint Joachim qui avaient flanqué l’autel à la faveur de la Révolution et de mettre à leur place des statues de Pierre et Paul, «comme celles qui s’y trouvaient au XVIIIe s.». On s’adressa à J.-B. Barré qui fit aussi les deux Anges adorateurs (ci-contre). Ceux-ci, de plâtre, ont été déposés mais devraient bientôt retrouver leur place. Il témoignent d’un modèle très serein, souvent repris par Barré, et annoncent ceux de la cathédrale (1847).

Pierre et Paul, en pierre blanche, sont des réalisations plus ambitieuses, qui répondent à une commande précise, comme le suggèrent les citations bibliques sur les marbres qui les portent. Barré crée ici son modèle du Saint Pierre repentant, influencé par celui de Piré venu de Paris. La sobriété du drapé concentre l’attention sur les larmes et les clés. La cathédrale Saint-Pierre elle-même n’a pas plus belle statue de son saint patron. Le Christ transfiguré et les statues de Pierre et Paul dilatent le grand autel. La porte du tabernacle, probablement livrée par la maison Choiselat-Gallien de Paris.

Contrairement à Saint Pierre, plusieurs fois réutilisé, la statue de Saint Paul est restée une pièce unique. D’exécution moins fouillée, elle évoque la «prédication » de Paul, chargé de chaînes, devant Agrippa (Actes, 26).
Le choix de ces deux saints, attesté au XVIIIe s., nous pousse en tout cas à nous demander si Pierre et Paul n’étaient pas également figurés dans les niches de la façade, aujourd’hui cruellement vides, comme grands témoins du «Saint Sauveur».

Statues de saint Pierre et saint Paul chargé de chaînes,devant Agrippa, par JB Barré

Sacré Coeur

Les tableaux du Sacré-Cœur et de Sainte Anne de Briand et Jourjon (1843-44)

Lors de cette restauration de 1842, il fut également décidé de refaire les deux autels en côté du chœur et d’y placer des tableaux neufs. Ces autels, qui avaient eu divers patronages, étaient alors dédiés l’un au Sacré-Cœur, l’autre à Saint Louis et Sainte Anne. La confrérie du Sacré-Cœur de Jésus avait été instituée en 1805, pour revivifier la même confrérie établie en 1746 sur la paroisse, mais dans le couvent des Calvairiennes. Quand à l’autel de Saint Louis, apparu avec la Restauration, il était depuis peu partagé avec Sainte Anne. Pour le sujet du tableau, ce fut la mère de Marie qui l’emporta sur Saint Louis, en partie pour compenser la restitution de la statue de Sainte Anne aux sœurs de la Retraite.

Pour réaliser ces tableaux, on s’adressa à André Briand et à Toussaint Jourjon, les deux directeurs de l’Ecole de la ville pour la section peinture (tandis que Barré s’occupait de la sculpture). Sans doute fut-il convenu alors que le tableau du Sacré-Cœur, confié à Briand, serait une évocation du Christ en pied. Cette représentation [ci-contre à droite] n’était pas du tout usuelle : le thème habituel était celui de deux Anges en adoration devant un cœur enflammé couronné d’épines. Quant à Sainte Anne, on s’en tenait au thème traditionnel de l‘Éducation de la Vierge. Du coup, comme il y aurait deux personnages, Jourjon recevrait un supplément par rapport à Briand, dont le tableau n’en avait qu’un. Le tableau du Sacré-Cœur de Briand est d’une grande sobriété, caractéristique de son style. Le Christ, debout sur l’univers, se détache sur un fond sombre. L’auréole est remplacée par une luminescence autour de sa tête, son cœur et ses pieds. Il regarde avec douceur celui qui vient le prier et montre d’une main son cœur transpercé, de l’autre la marque du clou, comme à Thomas.

Education de la Vierge

Pour apprécier aujourd’hui cette image à la fois intime et universelle, un peu fanée, il faut réaliser qu’elle appartient à la toute première génération des Sacrés-Cœurs et que son environnement a beaucoup changé. A l’origine le retable était moins large et dépourvu de statues, inondé de lumière par une verrière transparente et probablement peint dans un faux-marbre blanc veiné qui faisait mieux valoir le tableau aux dominantes rouge et bleue. C’est peut-être parce qu’il avait conscience d’innover que Briand a précisément daté son tableau de décembre 1843.

Paradoxalement, le tableau de Jourjon [ci-contre] pour sainte Anne, plus brillant, est aussi plus formel. Il relève d’un enseignant resté fidèle aux canons classiques et à l’idée de «grande peinture». Ainsi, sainte Anne est évoquée de côté et à gauche pour annoncer la petite Marie, de face et à droite. Le zèle est poussé jusqu’à reproduire fidèlement en hébreu la prophétie de l’Emmanuel. En fin de compte, en mars 1844, Jourjon reçut 600F et Briand 540.

Ces travaux des années 1840, qui réunissent pour la seule fois les trois collègues de l’École de peinture et sculpture, témoignent du dynamisme du diocèse au début de l’épiscopat de Mgr Brossais-Saint-Marc. A cette époque on se préparait à inaugurer la cathédrale (1844), et l’église voisine de Saint-Étienne venait elle aussi de reprendre luxueusement son mobilier, en faisant appel à Barré et Jourjon…


par le Père Roger Blot

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