Basilique Notre-Dame des Miracles | .9

basilique

Cette longue étude de l’église Saint-Sauveur, hors du commun à plus d’un titre, est de ce fait un peu compliquée. En effet, l’intérêt patrimonial évident de l’église du XVIIIe siècle cohabite avec plus ou moins de bonheur avec son affectation mariale privilégiée, réintroduite au XIXe siècle et consacrée en 1916 par son érection en basilique. De plus, le pôle patrimonial n’est pas seulement réduit aujourd’hui au seul XVIIIe siècle (l’apport des XIXe et XXe siècles n’est pas si banal), pas plus que le pôle spirituel ne se limite à Notre-Dame (l’église reste en principe dédiée au Saint Sauveur). Comment trouver le bon équilibre ? Nous nous limitons à rassembler et prolonger quelques propositions émises au long de ces articles, plus ou moins importantes.

Pour l’extérieur

coté sud

L’aspect extérieur de l’église est plutôt satisfaisant. Récemment toutefois un feu allumé près de la façade (vers la droite) a fait quelques dégâts sur les pierres de granit, et tout près l’ancienne entrée du presbytère souffre de l’abandon. Cette façade, dont nous avons attribué les plans à Denmat (et non à le Forestier qui les a seulement adaptés après la mort de ce dernier), est particulièrement bien située dans le centre historique du XVIIIe s. et rappelle que Saint-Sauveur fut la paroisse où se trouvaient deux monuments majeurs, la Cathédrale et l’Hôtel de Ville. Peut-être mériterait-elle une mise en valeur nocturne, au même titre par exemple que pour la chapelle Saint-Yves. Ira-ton jusqu’à mettre des statues dans les niches, par exemple des copies des Saints Pierre et Paul de Barré ?

En dehors de la façade, seules les baies et les chaînages sont de bel appareil. Un enduit serait donc plus approprié.
Enfin, le nom de l’église n’étant pas évident, pas plus que pour «Saint-Aubin-N.-D. de B.-N». et «Saint-Melaine-Notre-Dame», un petit panneau pourrait être utile, en harmonie avec ces deux autres églises.

Pour l’intérieur

L’apport des XVIIIe, XIXe et XXe s. est assez contrasté. Toutefois, depuis la restauration des années 1960, c’est l’apport du XVIIIe s. qui a été privilégié. Ce choix nous semble à poursuivre, aussi bien pour l’architecture (ce qui paraît évident), que pour le mobilier.

L’apport du XVIIIe siècle

façade

Le respect pour l’architecture du XVIIIe s., en définitive très homogène malgré la longueur du chantier et la succession des architectes, passe normalement par une mise en valeur selon les normes du XVIIIe s., par exemple le blanchissement des murs, mais demande aussi une réflexion sur le pavement et les vitraux. S’il paraît très difficile de revenir sur le pavement de céramique de 1886, moins adapté qu’un sol de tommettes de brique, peut-être pourra-t-on un jour réduire l'empreinte des vitraux de 1952, violemment hétérogènes à l’esprit du XVIIIe s. ? Nous avons suggéré que ceux-ci pourraient être limités aux trois qui font face à l’autel de N.-D. des Miracles. Mais que faire des autres ?

De même, il serait très satisfaisant que le mobilier du XVIIIe s., plus varié que l’architecture, soit réhabilité avec attention. C’est le cas du baldaquin, actuellement en cours de restauration. Mais celui-ci avait déjà été restauré en 1962, alors que les retables de Denmat dans le transept, aussi intéressants, attendent depuis plus longtemps…

Pour la chapelle des fonts baptismaux, il semble acquis qu’elle pourrait retrouver une mise en valeur plus conforme à son état d’origine. Le buffet d’orgue, à côté, mériterait aussi des soins, car c’est l'un des plus remarquables que nous ayons. Il possède des éléments des XVIIe, XVIIIe et XIXe  liés à son histoire compliquée. Sans doute qu’une analyse des polychromies, masquées aujourd’hui par un faux-bois uniforme, nous apprendrait bien des choses. Il serait nécessaire en tout cas de trouver une solution au surgissement incongru de la boîte d’expression, qui met à mal la pauvre statue équestre de Saint Georges (ne serait-ce qu’en la peignant en noir mat). Les diverses grilles et la chaire constituent un ensemble exceptionnel, et très varié, de fer forgé, qui est un signe distinctif du centre historique. La chaire fut déjà réhabilitée vers 1960, mais tous ces éléments gagneraient à être repris notamment les parties dorées. Du XVIIIe s. subsistent aussi d’intéressantes boiseries dont nous avons à peine parlé, les vantaux de la grande porte et le fond du chœur, également de 1768. Soulignons l’intérêt du tableau en trompe-l’œil de Bouttier en 1789, qui évoque un vitrail du temps avec une extrême précision. Il mériterait une protection et pourrait servir de modèle.

Enfin l’ex-voto géant dédié à N.-D. de B.-N. n’a pas vraiment sa place à N.-D. des Miracles. Il est toutefois utile aux guides pour rappeler l’incendie de 1720… S’il devait rester ici, peut-être pourrait-on compenser le déficit pour la basilique N.-D. de B.-N. par une mise en valeur du petit ex-voto de Huguet, grandement aussi intéressant.

L’apport du XIXe siècle

Beaucoup moins connu que celui du XVIIIe, il est lui aussi de grande qualité et mérite un  discernement, voire des soins.

• La restauration des années 1820 a laissé deux pièces bien en vue, le maître-autel de marbre blanc et ses accessoires, et le remarquable tableau de la Transfiguration de Gassies (qui attend un rafraîchissement).

• La restauration des années 1840, outre les six confessionnaux, apporta de belles oeuvres d’esprit classique, produites par les trois directeurs de l’École de Peinture et Sculpture de la Ville de Rennes, J.-B. Barré (4 statues du choeur), A. Briand (le tableau du Sacré-cœur) et T. Jourjon (le tableau de Sainte Anne). Elle fut conduite par l’architecte Leroux qui refit aussi le presbytère et qui était un paroissien.
De cette époque date également le chandelier pascal (en mauvais état).

• La restauration de l’abbé Brune, des années 1870, a parfois apporté une rupture, tout en cherchant à renouer avec le passé. Nous lui devons les deux autels de bois près des sacristies, avec les statues trop petites de Goupil, les deux autels de marbre du transept avec l’intervention tardive de Barré, et surtout, lourd de conséquences, l’autel de marbre de N.-D. des Miracles avec ce qui l’accompagna : la statue elle-même et le grand vitrail historique de Lobin (disparu pendant la guerre).

Christo Salvatori

• En dehors de ces trois restaurations typées, maints apports se sont succédés, surtout dans la seconde moitié du siècle, N.-D. des Victoires, Sainte Pia, le chemin de croix, l’orgue de chœur, le pavement… Toujours de qualité, ils se substituèrent parfois de façon envahissante à ce qui précédait.
Tout ces apports très conséquents ont un peu terni l’église du XVIIIe. Certains semblent irréversibles, comme le pavement. D’autres pourraient être redistribués, ainsi les quatre petites statues de Goupil, et d’autres réhabilités, ainsi les deux Anges adorateurs de Barré (aujourd’hui déposés). D’autres pourraient même disparaître, ainsi les quatre confessionnaux du transept qui nuisent aux autels. L’important est de bien réfléchir.

L’apport du XXe siècle

Christo Salvatori

Celui-ci est plus contrasté encore. En 1908, le couronnement de N.-D. des Miracles a été l’occasion de créer des bijoux resplendissants. En 1911 la chapelle de N.-D. des Miracles a pris sa physionomie actuelle avec la création de notre dernier retable à colonnes de marbre. En 1916, l’érection en basilique a consacré l’importance mariale de l’édifice, tandis que l’inscription en façade : "CHRISTO SALVATORI" a rappelé en 1932 qu’elle était toujours dédiée au Saint Sauveur. Ceci fut pourtant oublié en 1951 quand il fallut refaire les vitraux, tous dédiés à Marie. Ils assombrirent tellement l’église qu’il fallut ouvrir une porte de verre, qui fait jaillir une lumière blanche au mauvais endroit. La restauration des années 1960 chercha à limiter l’emprise de N.-D. des Miracles au seul bas-côté droit. A partir de 1975 fut introduit un chœur conciliaire, en avant du choeur historique, en même temps qu’on adaptait les confessionnaux. Il est clair que la réflexion n’est pas terminée…

L’apport du XXIe siècle ?

transfiguration

En cette année 2007, deux projets sont en cours d’exécution, la restauration du baldaquin, pièce capitale, et la mise en place d’un mobilier de choeur plus définitif (Cela est fait désormais). Dans les deux cas, c’est le XVIIIe s. qui sert de référence. Jusqu’où poursuivra-t-on dans ce sens ?
Terminons juste par un regret : la fête patronale de l’église Saint-Sauveur, depuis toujours liée à la Transfiguration (6 août), n’est plus marquée.
Cette étude du Père Roger Blot a été publiée en plusieurs livraisons dans la
Chronique PATRIMOINE de la revue Église en Ille-et-Vilaine

Sources

Il existe principalement deux endroits ;
. Les A.D.I.V., réouvertes au public depuis juin (surtout séries 2G et 5 V, copieuses, voir aussi E, 4J, 5J…)
. Le presbytère de la Cathédrale (autrefois de Saint-Sauveur) avec quantité de dossiers, toute une bibliothèque, dont le mémoire dactylographié de Gwénaëlle de Carné.


Par Roger Blot 2006

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